J'ai possédé en tout 5 guitares de Manuel Contreras père aujoud'hui disparu. Il ne m'en reste aujourd'hui que les deux premières. J'affectionne particulièrement son travail inventif et varié.
épicéa, palissandre de Rio
Voici une guitare absolument exceptionnelle. Elle a probablement appartenu à l'un des élèves américains de l'illustre Maître éponyme, qui ne l'a pour ainsi dire que peu jouée et laissée longtemps stockée. Sa construction très spéciale avec une table en suspension "posée" sur des cales collées sur les éclisses, sans ouverture autre que l'interstice entre la table et les côtés, l'absence de cintre supérieur, contribue à donner à cette guitare un aspect très "expérimental".
Le rendu sonore est tout à fait unique et à la mesure de l'originalité de l'instrument. En effet, il est évident que son inventeur, en concevant un système permettant d'isoler la guitare du corps de l'exécutant, n'avait absolument pas anticipé que cette guitare ne serait pas le monstre de puissance qu'il appelait de ses vœux. Le résultat en est pour le moins paradoxal, puisque la sonorité obtenue est intermédiaire entre celle du luth et de la guitare, l'instrument offrant une délicatesse, une transparence et une clarté très grandes le rendant idéal pour un répertoire de la Renaissance.
épicéa, palissandre de Rio
C'est le modèle porte-étendard de la marque. Ce modèle a été joué par les plus grands guitaristes dont les frères Romero, clients réguliers de Contreras père.
La construction, barres incurvées, et double fond sont sa marque de fabrique par excellence. Il en résulte une grande clarté et équilibre et une sonorité pleine et très musicale.
séquoia, palissandre de Rio
Cette belle et rare guitare de classe grand concert est parfaitement construite. L'instrument appartient à sa période la plus créative (fin des années 70 – milieu des années 80) au cours de laquelle de nombreux grands concertistes se produisaient avec ses guitares, qui tenaient alors la dragée haute aux Ramirez 1a. Son fils Manuel Contreras II perpétue la tradition et continue à construire des 1a Especial en suivant le même procédé. Le barrage est identique à celui du modèle précédent, mais le reste de la guitare est plus conventionnel (sans "double table"). L'autre innovation est celle de l'utilisation du séquoia pour la table, qu'affectionnait aussi le célèbre luthier amécicain José Oribe.
La qualité des bois utilisés est exceptionnelle et n'a d'égal que la construction impeccable de l'instrument. La trame serrée du séquoia hors d’âge de la table lui donne un aspect irisé très agréable et les ondulations de l’inimitable et rare palissandre de Rio (bois sous embargo depuis 1992) sont magnifiques.
Le luthier a son schéma de construction particulier (5 barres dont 4 incurvées) et plusieurs cales et renforts savamment disposés pour compléter le soutien de la table. Il visait ainsi à donner le maximum d'ampleur, de contrôle et de douceur au son et une séparation exceptionnelle des registres.
C'est un instrument à la sonorité très ample, réverbérante, extrêmement douce et chaleureuse. Cette chaleur exceptionnelle procède probablement du choix de la combinaison Séquoia/Rio. Il dispose d'une grande richesse harmonique et un délicieux timbre qui s’illustre par le divin son de clochettes des aigus et la texture extraordinairement soyeuse des basses. Le volume sonore et la projection sont convenables sans plus.
L’équilibre des registres est exceptionnel ; les basses sont fermes, veloutées et majestueuses, le médium est moelleux et les aigus sont ronds et colorés tout en exhibant une très grande pureté. Le son est extrêmement homogène sur toute la tessiture et l'attaque est assez franche. C'est une guitare très chantante, lisse et d'une clarté parfaitement transparente. Elle est assez éclectique et s'adapte bien au répertoire traditionnel, du contrepoint le plus exigeant du fait de sa clarté et équilibre jusqu'aux pièces d’Amérique Latine grâce à un son profond et chargé en harmoniques en passant par les œuvres romantiques où son timbre extrêmement chaud fait merveille.
Cette guitare est sortie de ma collection en 2007.
cèdre, palissandre de Rio
Un instrument de très bonne facture réalisé sans doute par le second de Contreras à cette époque, aujourd'hui luthier à part entière. Cet instrument est de facture traditionnelle, ne comportant ni double table ni éclisses doublées; pas plus que des barres d'éventail incurvées. Comme toujours, Contreras utilise des tables dont le fil est parfaitement serré donnant un aspect soyeux tout à fait remarquable.
Le caractère très madrilène de cet instrument est évident. Aigus cristallins et sucrés sonnant comme des clochettes, profondeur et ampleur, basses percutantes, le rendent parfaitement indiqué pour le répertoire espagnol de la fin du XIXième (Tarrega, Llobet, Arcas, Albeniz).
épicéa, palissandre indien
Construction identique à sa grande soeur. Malgré des aigus "crémeux" et profonds, elle est reste légèrement moins réussie, un soupçon étriquée en bas de tessiture. Elle rappelle par sa sonorité et sa construction les guitares de la 1ère moitié du XXième. Par conséquent, elle convient particulièrement à un répertoire à forte sensibilité romantique, où la ligne mélodique est clé et un style introverti et mystérieux est indiqué. Cette guitare a quitté ma collection en 2006.
Les deux guitares précédentes étaient pourvues du même barrage relativement classique en éventail fermé, un peu à la manière de Hauser, les proportions restant malgré tout plus grandes.